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L’APOTHÉOSE DE MOUÇA-AL-KÉBYR.


Où, farouche, enivré de jeunesse et de force,
Il criait vers le ciel, ainsi qu’un lionceau
Qui s’essaie à rugir et déchire l’écorce
Des durs dattiers dont l’ombre abrita son berceau.

Il revoit ses combats de Syrie et de Perse,
Et l’Égypte et Carthage et le désert ardent,
Et les rudes tribus qu’il pourchasse et disperse
Des gorges de l’Atlas à la mer d’Occident ;

Puis, le détroit franchi par les barques Berbères,
Et son noble étalon qui, hérissant ses crins,
Pour fouler le premier le sol des vieux Ibères,
Saute parmi l’écume et les embruns marins ;

Les assauts furieux des hautes citadelles,
La mêlée où, debout sur le large étrier,
Le sabre au poing, trouant les hordes infidèles,
Il buvait à longs traits l’ivresse du guerrier ;

Et les bandes de Goths aux lourdes tresses rousses
Fuyant, la lance aux reins, par les vals et les monts,
Et les noirs cavaliers du Maghreb à leurs trousses
Bondissant et hurlant comme un vol de démons !

Allah ! Jours de triomphe, heures illuminées
Par l’héroïque orgueil hérité des aïeux !
Quand, du mont de Tharyk jusques aux Pyrénées,
L’étendard de l’Islam flottait victorieux ;