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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/127

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sacatove

rare de rencontrer entre la montagne et la mer une largeur de plus de deux lieues, si ce n’est à la savane des Galets, et du côté de la rivière Saint-Jean, l’une sous le vent et l’autre au vent de l’île. Au dire des anciens créoles, la mer se retirait insensiblement, et se brisait autrefois contre la montagne elle-même. C’est sur les langues de sable et de terre qu’elle a quittées qu’ont été bâtis les villes et les quartiers. Il n’en est pas de même de Maurice, qui, sauf quelques pics comparativement peu élevés, est basse et aplanie. On n’y trouve point les longues ravines qui fendent Bourbon des forêts à la mer, dans une profondeur effrayante de mille pieds, et qui, dans la saison des pluies, roulent avec un bruit immense d’irrésistibles torrents et des masses de rochers dont le poids est incalculable. La végétation de Bourbon est aussi plus vigoureuse et plus active, l’aspect général plus grandiose et plus sévère. Le volcan, dont l’éruption est continue, se trouve vers le sud au milieu de mornes désolés, que les noirs appellent le Pays brûlé.

Vers 1820, un négrier de Madagascar débarqua sa cargaison humaine entre Saint-Paul et Saint-Gilles. Les lots furent faits et distribués sur le sable, puis chacun remonta la montagne avec ses nouveaux esclaves. Parmi ceux qui suivirent leur maître sur les bords de la ravine de Bernica, il y avait un jeune noir qui sera, si le lecteur veut bien le permettre, le