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sacatove

cier convenablement l’arôme de son tabac et celui de sa liqueur favorite. C’était, à tout prendre, un brave homme ; un peu féroce mais pas trop. La maison qu’ils habitaient sur leur habitation de Bernica était entourée de deux galeries superposées et fermées de persiennes en rotin peint. Il s’y trouvait quelques chambres à coucher, faites exprès pour les grandes chaleurs de janvier. C’était dans l’une d’elles que reposait ordinairement la jeune créole. Un matin, ses négresses privilégiées, après avoir longtemps attendu le signal accoutumé, inquiètes de ce sommeil prolongé, ouvrirent la porte de l’appartement et n’y trouvèrent personne. Leur maîtresse avait disparu à son tour. La chambre était restée dans le même état que la veille, et rien n’avait été enlevé des objets de luxe qui la décoraient, si ce n’est tout le linge et la toilette de la jeune fille. Ce ne pouvait être qu’un rapt amoureux ; et, quoique le père et le fils ne soupçonnassent qui que ce soit, les aventures de cette sorte étaient trop fréquentes pour négliger les mesures promptes et énergiques.

Il était possible que le ravisseur se fût dirigé sur Maurice. Ils apprirent en effet qu’un navire était parti de Saint-Paul pour cette destination le jour même de l’enlèvement. Ce navire fut immédiatement suivi ; mais il n’avait fait que toucher l’île voisine, en continuant sa route pour l’Inde. Le