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L’APOLLONIDE.

Tu ne les préviendrais qu’en me sacrifiant ;
Ou, moi-même, inquiet, furtif et défiant,
Plein de l’amer regret de l’enfance sereine,
Peut-être qu’à mon tour je haïrais la Reine.
Ah ! laisse-moi plutôt jouir obscurément
Des humbles biens goûtés sans trouble et sans tourment.


XOUTHOS.

Mon fils, ne doute pas des bonnes Destinées.
Loin de flétrir la fleur de tes jeunes années,
La Reine, à qui les Dieux n’ont point donné d’enfants,
Te servira de mère. En vain tu t’en défends :
Tu céderas, mon fils, à ma plus chère envie
En siégeant sur mon thrône, au terme de ma vie.


IÔN.

Hélas ! le noir essaim des soucis mécontents
Vole, dit-on, autour des thrônes éclatants,
Et l’imprécation de l’opprimé qui pleure
Épouvante les Rois dans leur riche demeure.
Mais ici chacun m’aime et me sourit ; l’autel
Y mêle ses parfums à la fraîcheur du ciel ;
On n’y dédaigne point mon obscure naissance ;
Je vis dans la lumière et dors dans l’innocence.
Père, ces bois sacrés me pleureraient loin d’eux.
N’emmène point ton fils, permets-lui d’être heureux.


XOUTHOS.

Il te faut obéir au Dieu que tu révères !
Un astre inattendu luit sur ton horizon.