Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Comme un blême cortège, à travers la nuit noire,
Les Spectres immortels, en un déroulement
Multiplié, du fond de sa vieille mémoire,
Passèrent devant lui silencieusement.

Or, Il vit Ammon-Râ, ceint des funèbres linges,
Avec ses longs yeux clos de l’éternel sommeil,
Les reins roides, assis entre les quatre singes,
Traîné par des chacals sur la nef du Soleil ;

Puis tous Ceux qu’engendra l’épais limon du Fleuve ;
Thoth le Lunaire, Khons, Anubis l’Aboyeur
Qui pourchassait les morts aux heures de l’Épreuve,
Isis-Hathor, Apis, et Ptâh le Nain rieur ;

Puis Ceux qui, fécondant l’universelle fange,
Par le souffle vital et la vertu du feu,
Firent pleuvoir du Ciel les eaux saintes du Gange
Et de la mer de lait jaillir le Lotus bleu ;

Et tous les Baalim des nations farouches :
Le Molok, du sang frais de l’enfance abreuvé,
Halgâh, Gad et Phégor et le Seigneur des mouches,
Et sur les Kheroubim le sinistre Iahvé ;

Et, près de Tsebaoth, les Aschéras phalliques,
Et le squammeux Dahâk aux trois têtes, dardant
Telles que six éclairs ses prunelles obliques,
Un jet de bave rouge au bout de chaque dent ;