Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/249

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irrémédiable, ceux-là, il les a aimés et glorifiés. L’entente a été et sera toujours cordiale et parfaite entre eux et lui, grâce à l’intermédiaire continu de la critique.

Celle-ci, à peu d’exceptions près, se recrute communément parmi les intelligences desséchées, tombées avant l’heure de toutes les branches de l’art et de la littérature. Pleine de regrets stériles, de désirs impuissants et de rancunes inexorables, elle traduit au public indifférent et paresseux ce qu’elle ne comprend pas, elle explique gravement ce qu’elle ignore et n’ouvre le sanctuaire de sa bienveillance qu’à la cohue banale des pseudo-poètes.

Cette absence de principes esthétiques, ce dénûment déplorable de toute perception d’art, l’ont contrainte de choisir pour critérium d’examen la somme plus ou moins compacte d’enseignement moral contenu dans les œuvres qu’elle condamne ou qu’elle absout, et dont elle vit, si c’est là vivre. Or, cet enseignement consiste à répandre dans le vulgaire, à l’aide du rhythme et de la rime, un certain nombre de platitudes qu’elle affuble du nom d’idées. J’ose donc affirmer, pour ma part, que ses reproches et ses éloges n’ont aucun sens appréciable et qu’elle ne sait absolument ce qu’elle dit.

Les théories de la critique moderne ne sont pas les miennes. J’étudierai ce qu’elle dédaigne, j’applaudirai ce qu’elle blâme. Voici pourquoi.

Le monde du Beau, l’unique domaine de l’Art, est, en soi, un infini sans contact possible avec toute autre conception inférieure que ce soit.

Le Beau n’est pas le serviteur du Vrai, car il contient la vérité divine et humaine. Il est le sommet commun