Page:Leconte de Lisle - Eschyle (Lemerre, 1872).djvu/40

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aux extrémités de la terre. La foudre flamboyante de Zeus devait venir, s’il n’obéissait pas, et anéantir toute notre race. Contre son gré, malgré moi, persuadé par cet oracle de Loxias, il me chassa hors de ses demeures. L’ordre de Zeus l’y forçait. Il fut contraint de le faire. Et aussitôt mon aspect et mon esprit furent transformés et je courus, d’un bond furieux, cornue comme tu vois, piquée par l’aiguillon mordant du taon, vers le doux rivage de la source Kerkhnéia, dans la vallée de Lerna. Le bouvier Argos, né de Gaia, me suivait plein de colère, épiant mes traces de ses yeux innombrables. Brusquement, la destinée le priva de la vie. Moi, furieuse toujours sous l’aiguillon divin, je courus de terre en terre. Tu sais tout. Si tu peux dire quelles seront mes misères futures, dis-les-moi. Dans ta pitié ne me flatte point par des paroles mensongères. Le mensonge, je pense, est un mal très honteux.

le chœur des okéanides.

Tais-toi, tais-toi ! cesse ! hélas ! jamais, jamais je n’ai pensé qu’un tel récit viendrait à mes oreilles, ni que des maux si tristes à voir et si tristes à subir, de telles expiations, de telles épouvantes, glaceraient mon cœur d’un double aiguillon !

promètheus.

Tu gémis et tu es terrifiée trop tôt. Attends que tu saches le reste.

le chœur des okéanides.

Parle, apprends-le-lui. Il est doux aux malades de savoir sûrement d’avance ce qu’ils souffriront encore.