Page:Leconte de Lisle - Histoire populaire du Christianisme, 1871.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
Histoire du Christianisme.

feinte des deux Apôtres, afin d’arracher par ruse les Juifs à la loi de Moïse.

Le cardinal Baronius eût mieux fait, plus tard, quand il examina cette grave question dans ses Annales ecclésiastiques, de s’en tenir à l’explication lumineuse que lui fournissaient Origène, Tertullien et saint Jean Chrysostôme, que de s’enfermer dans un dilemme auquel il lui est imposible d’échapper malgré ses louables efforts : « Il faut nécessairement, dit-il, que Pierre fût coupable si Paul avait raison de le trouver répréhensible, ou que Paul fût coupable s’il avait tort de reprendre Pierre. Il faut donc que Pierre ait péché ou que Paul ait menti. »

Voilà où l’abus de la logique entraîne ce savant cardinal. Ceci prouve qu’il ne faut jamais raisonner en de telles matières, car le poète Dante fait dire au Diable : « Et moi aussi je suis logicien ! »

Nous nous permettrons, en dernier lieu, de faire remarquer cette singularité que le prince des Apôtres, le premier chef de l’Église catholique, c’est-à-dire universelle, voulut restreindre au seul peuple juif l’enseignement de la vérité. Sans doute il renonça à son erreur, mais beaucoup de Juifs récemment convertis persistèrent à croire que l’Évangile ne devait être prêché, selon la parole du maître, qu’aux brebis égarées du troupeau d’Israël ; de sorte qu’il y eut en ce temps-là deux écoles, celle de saint Paul et celle de saint Pierre. Il entrait dans les desseins de la Providence que la contestation qui s’engagea entre les deux Apôtres