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LE MASSACRE DE MONA.

Au revers reluisant des avirons de frêne
L’écume se suspend en frange, et la carène
Coupe l’eau qui frémit tout le long de la nef.
Là, cinquante guerriers sont debout près du chef.
L’ardent désir du meurtre élargit leurs narines
Et gonfle les réseaux d’acier sur leurs poitrines.
Le carquois de cuir brut au dos et l’arc en main,
Portant au ceinturon le court glaive romain,
Tous, quand la nef gravit la houle encore haute,
Regardent les lueurs qui flambent à la côte.
Sur la proue, au long col de dragon rouge et noir,
Murdoc’h le Kambrien se dresse pour mieux voir.
Appuyé des deux mains sur la massive épée,
L’épaule des longs plis d’un manteau blanc drapée,
Un étroit cercle d’or sur ses épais cheveux
Et de lourds bracelets à ses poignets nerveux,
Murdoc’h, fléau des fils de Math, traître à sa race,
Dans les bois, sur la mer, la poursuit à la trace,
Et prêche par le fer, en son aveuglement,
La loi du jeune Dieu qui fut doux et clément.
Car le sombre Barbare aux haines violentes
Dans l’Eau vive n’a point lavé ses mains sanglantes.
Son cœur n’a point changé sous la robe de lin ;
Mais il n’en bat que plus ardemment, toujours plein
Des mêmes passions qui le brûlaient naguère,
Quand, aux rocs de Kambrie ou sur sa nef de guerre,
Il s’enivrait du cri des glaives, des sanglots
De mort, des hurlements de l’orage et des flots.
Maintenant, l’insensé, dans sa fureur austère,