Page:Leconte de Lisle - Poèmes barbares.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
LA VIGNE DE NABOTH.


Naboth le vigneron n’a point ouvert sa main,
Naboth de Jizréhel, irritant notre plaie,
Sous l’œil des affamés a mangé tout son pain !

Nul ne dira cela, si sa parole est vraie.
Or, qui peut blasphémer étant pur devant Dieu ?
Séparez le bon grain, mes Pères, de l’ivraie.

Remettez d’un sens droit toute chose en son lieu.
Si je mens, que le ciel s’entr’ouvre et me dévore,
Que l’Exterminateur me brûle de son feu ! —

Le plus vieux des Anciens dit : — Il blasphème encore !
Allez, lapidez-le, car il parle très mal,
N’étant plein que de vent, comme une outre sonore. —

Or, non loin des figuiers, les fils de Bélial
Frappent le vigneron avec de lourdes pierres ;
La cervelle et le sang souillent ce lieu fatal.

Et Naboth rend l’esprit. Les bêtes carnassières
Viendront, la nuit, hurler sur le corps encor chaud,
Et les oiseaux plonger leurs becs dans ses paupières.

En ce temps, Jézabel, attentive au plus haut
Du palais, dit au Roi : — Seigneur, la chose est faite :
Naboth est mort. Ô Chef, monte en ton chariot.