Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/102

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Où tu chantas l’amour et ses molles douleurs,
Où j’attends son sourire, en célébrant ses pleurs.
Là je deviens poète, et, brûlant de ta flamme,
Dans presque tous tes vers je retrouve mon âme :
Et je crois respirer, tout plein de leur vertu,
Dans le parfum qu’ils ont, celui qu’ils auraient eu.
De ton livre incomplet la relique bénie
Nous embaume le cœur de grâce et d’harmonie,
Et tout paraît plus pur, quand on l’a médité.
Oh ! que j’aime le soir, quand un jour emprunté
Descend, de nos flambeaux, sur notre rêverie :
A l’heure, où l’Angélus annonce que l’on prie,
Que j’aime à réveiller, sous mes doigts studieux,
De tes chants imparfaits l’éclair mélodieux !
II me semble qu’alors ta verve se rallume :
Je sens tes plus beaux traits s’échapper de ma plume,
Et devenu toi-même, en lisant tes écrits,
Je suis, en même temps, tout ce que tu décris.
Comme l’heureux Lycus, je reçois, à ma fête,
L’auguste mendiant, qui détourne la tête :
Je reconnais en lui mon premier protecteur,
Et, de sa pauvreté suppliant bienfaiteur,
Je m’empresse à cacher, d’une main diligente,
Sous mon manteau de pourpre une épaule indigente.
Je suis ce chevrier, qui, par le joug flétri,
Sur sa lèvre affamée étale un cœur aigri,