Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/105

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Devions-nous donc, hélas ! affligeant notre terre
Des maux dont a saigné si long-lemps l’Angleterre,
Oublier, en frappant ce noble rejeton,
Qu’elle avait respecté la tête de Milton ?

Pauvre aigle, à peine éclos, tu secouais ton aile :
Déjà du globe ardent la lumière éternelle
Ne pouvait de ton œil abaisser la fierté :
Et déjà, t’élançant vers sa vaste clarté,
Tu demandais aux dieux les rênes du tonnerre :
La flèche a ramené ta course vers la terre ;
Tu mourus, jeune ami, que je n’ai pas connu !
Heureux, quand notre jour, notre terme est venu,
Heureux qui peut au moins ne pas voir sa patrie,
Errer de joug en joug honteusement flétrie ;
Heureux qui peut mourir, quand, de la liberté,
Par d’ignobles vapeurs le temple est infecté :
Quand, du patriotisme expirant sans défense,
Un baptême de sang empoisonne l’enfance :
Quand de la politique un effroyable jeu,
Au bouge de Marat, va se choisir un dieu :
Quand les droits sociaux sont remis en problème,
Quand l’honneur est un crime, et le crime un système.
Il fallait bien périr, toi, qui de ces pervers
Clouais l’apothéose au pilori du vers :
Toi, dont l’ïambe acerbe, implorant qui nous venge,
Pétrissait au grand jour les tigres dans leur fange :