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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/115

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Lorsqu’on lui découvrit la clarté toute nue,
Sa maîtresse était là pour être reconnue ;
Mais il chercha sa mère, et tomba dans ses bras :
Et l’aveugle lui dit : Tu ne me vois donc pas ?

Il entra dans son cœur une flamme jalouse.
Eudoxe demandait à l’avoir pour épouse :
Elle disait : « Eudoxe, il me faudra mourir.
» Tout ce que vous verrez, je ne puis le chérir.
» Votreâmeestlibre : etmoi, lamienneestprisonnière.
» Vous ne m’aimerez plus de la même manière.
» Entre nous deux déjà tout n’est plus partagé :
» Tout va changer pour nous, si tout n’est pas changé.
» — Et pourquoi, disait-il, cette inquiète envie ?
» Ce qui remplit mes jours, je l’ajoute à ta vie.
« Tout, quand tu dis un mot, s’embellit de ta voix,
» Et je t’entends bien mieux, depuis que je te vois.
» — Voilà ce que j’ai craint. : tu m’aimes davantage,
» Et moi, je ne puis pas : tu changes de langage,
» Et moi, je suis contrainte à conserver le mien :
» Le monde, que j’habite, est différent du tien.
» Compagnon de ma nuit, toi seul peuples mes ombres,
» Et, l’y rêvant toujours, je les trouve moins sombres ;
» Mais combien de mes sœurs vont, passant devant toi,
» Entrer dans ta pensée, et t’exiler de moi !
» Si leurvoix, moins aimante, exprime un cœur moins tendre,
» Elles auront de plus des yeux pour te comprendre ! »