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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/117

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« A quoi donc penses-tu ? » lui disait Léonie.
« Du chant de ces oiseaux j’écoute l’harmonie,
» Eudoxe, et cependant j’aime mieux tes discours :
» Et, malgré ces oiseaux, je les entends toujours.
» Toi qui les vois chanter, ce doit être autre chose :
» Et leur concert vaut mieux que mon amour morose.
» Ce qui me fait pleurer, ce n’est pas ton bonheur :
» C’est de ne plus remplir, à moi seule, ton cœur. »

Le temps pouvait, un jour, guérir cette blessure :
Eudoxe impatient crut la ruse plus sûre.
Il se feignit aveugle : il disait que ses jeux
N’avaient pu supporter un ciel trop radieux :
Qu’ils s’étaient refermés, et qu’une nuit profonde
Lui cachait de nouveau le spectacle du monde.
Il se feignit aveugle, et la tranquillité
Rentra dans un amour, par l’amour agité.
Du bâton clairvoyant la pieuse imposture
Parut de tous ses pas aider la marche obscure :
Retenant sa parole et son œil étonné,
Ou même à ne rien voir par son cœur condamné,
Comme dans son enfance il se remit à vivre :
Et, guidant sa maîtresse, il paraissait la suivre.

Hélas ! qui peut long-temps cacher la vérité ?
L’amour vit de soupçons et d’incrédulité ;