Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Léonie eut bientôt deviné le mensonge.
Le charme du sourire avait fui, même en songe,
Le voile de pâleur étendu sur ses traits.
« Je ne m’obéis pas autant que je voudrais.
» Je sais que je t’afflige, et je sais que tu m’aimes,
» Et nous avons pourtant cessé d’être les mêmes,
» Le souvenir des yeux, à Ion âme lié,
>— M’y dispute ma place, et m’en prend la moitié.
» Puis, Eudoxo, crois-tu que j’ignore ta ruse ?
» L’amour peut se tromper —. jamais on ne l’abuse.
» Pourquoi, quand nous allons errer dans les sentiers,
» Ne me piqué-je plus aux buissons d’églantiers ?
» Quand tu viens avec moi gravir sur la montagne,
» Jamais un seul caillou ne blesse ta compagne :
>• Tu les écartes donc ! Rien n’est comme autrefois ;
» Et, » dit-elle en pleurant, « je sens bien que tu vois. »
Son cœur se nourrissait d’une fièvre cuisante.
L’amour eut beau lui tendre une main complaisante,
Elle mourut. Eudoxe, égaré, furieux,
S’indignait de jouir du spectacle des cieux.
Sans connaître l’hymen, déplorant son veuvage,
La nature pour lui prit un aspect sauvage.
Il insultait du jour la funeste clarté :
Il n’aimait que la nuit : car dans l’obscurité
S’étaient formés les nœuds de sa chaîne éphémère :
Ses larmes n’avaient pas de flamme assez amère,