Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/15

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plus de nos paroles, qu’on ne s’inquiète de notre silence. Le public, et ce n’est pas toujours un tort, a si peu de foi dans nos oracles, si peu de respect pour nos révélations, qu’il nous arrive de vouloir remplacer tout le monde, d’avoir pour nous-mêmes autant d’égards et d’attentions qu’on nous en refuse, c’est-à-dire une foule. Est-ce orgueil ou justice ? Je n’ose tout à fait décider, quoique, à coup sûr, la foule soit de trop. Toujours est-il certain qu’on a peine à mépriser complètement ce qu’on s’est donné la peine d’écrire. Les vers sont comme la fortune, dont le philosophe ne fait pas grand cas, et dont il prend grand soin. Je ne crois pas estimer les miens plus qu’ils ne valent, mais je n’ai pas voulu les perdre. C’est à peu près là tout le secret de ce recueil, et son excuse aussi. Quoiqu’ilai t rompu de longue main avec les illusions de l’amour-propre, l’auteur n’a pu se résoudre (que Dieu ait pitié de lui ! ) à voir s’envoler une à une tant de pages laborieuses, qui avaient occupé ses loisirs, ou distrait ses chagrins. Il a jeté un œil de compassion, ou, si l’on veut, de complaisance, sur tous ces rêves du bel âge, qu’il ne peut pas plus recommencer que le bel âge lui-même. Il a pensé, non pas que ce serait dommage, mais que ce serait une ingratitude, de laisser périr isolément ces compositions, qui chacune à leur tour avaient aidé sa vie et l’avaient quelquefois charmée. Il les a,