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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/215

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Le roulis de ma tombe écumant sur ma tête,
Et de l’abîme à jeun les antres, mugissant
Comme un squale affamé, qui nage après du sang.
Mon âme, qui suivait tous les bonds du navire,
Parcourait avec lui ce frénétique empire,
Descendait dans un gouffre, et du gouffre envieux,
Comme pour aborder, remontait vers les cieux.

Mais tout s’use : bientôt l’orgueil de ma pensée
Retombe comme un poids sur mon âme oppressée :
L’enthousiasme à bout laisse arriver la peur,
Et change, en s’éteignant, mon extase en stupeur.
Ma poitrine se serre, et respire avec peine :
Un frisson douloureux fait battre chaque veine :
J’implore enfin la mort, pour cesser d’en trembler.
Mais c’est peu qu’elle vienne ; il faut, pour la doubler,
D’un péril uniforme épuiser la torture.
Du bâtiment qui s’ouvre énervant la mâture,
L’orage nous poursuit trois jours de sa fureur,
Et nous apporte enfin l’ennui de la terreur.
Regrettant les pays que je voulais connaître,
Je repoussais le ciel, qui m’appelait peut-être :
Mon regard, sur la mer incessamment tendu,
Cherchait à deviner le séjour attendu ;
Et, franchissant des flots la hauteur fugitive,
A l’horizon lointain je demandais la rive.