Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/22

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de dix ans, et affranchi des émotions qui les ont dictés, tous ces vers tombés de l’âme comme les fruits d’un arbre secoué par l’orage, j’y ai compté plus de taches qu’il n’en faut, pour décourager la patience la plus tenace. La mienne pourtant n’a pas reculé. J’ai abordé de front les imperfections, et j’espère ne pas les avoir remplacées par des fautes. J’ai fait, autant que possible, justice de ces négligences, de ces répétitions, de ces retours inattentifs des mêmes mots et des mêmes rimes, qu’entraînent trop souvent l’insouciance de la tristesse, la paresse de l’affliction. J’ai, sans changer le tissu, tâché de corriger la broderie. J’ai supprimé quelques passages : j’en ai rétabli d’autres, que j’avais d’abord supprimés. Je me suis fait, en un mot, la guerre en conscience, n’épargnant à me combattre ni mon temps ni ma peine : voulant, si je ne la gagnais, mériter au moins la victoire.

Je ne veux point faire l’éloge de ma bravoure ; mais il y aurait tout un livre à faire sur ce travail, sur ce jugement à froid des douloureuses fantaisies du cœur, sur cette sagesse de l’homme mûr, qui s’applique à mieux faire sentir les folies de la passion, qui se sert de sa raison pour mettre sa démence en meilleur jour, qui veut en quelque sorte refaire l’incendie d’après la cendre, apprécier