Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/229

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VI.
LE LAC NEMI.
Le lac le plus rêveur qui puisse inspirer l’homme,
C’est le lac de Némi, dans la plaine où fut Rome.
Ses ondes, où jamais rien d’impur n’est tombé,
Tremblent, comme un miroir dans un cadre bombé :
Du bleu myosotis les rosettes furtives
Damassent de saphirs la mousse de ses rives :
D’odorantes forêts, où vit l’oiseau pêcheur,
Y font des berceaux d’ombre et des nids de fraîcheur,
Qui suspendent dans l’air, en ondoyant treillage,
Près d’un bassin de nacre, un étang de feuillage :
Le velours des gazons, favorable au sommeil,
S’y couvre de bouquets brodés par le soleil,
Et l’on dit qu’au printemps, unissant leurs trophées,
Les nymphes d’autrefois viennent avec nos fées,
Aux soupirs de la brise, au chant du rossignol,
Y dérouler leur danse, y marier leur vol.
Dites-nous à quel dieu ce lac doit sa naissance,
Et de ses flots reclus l’humble magnificence !
Est-ce un sylphe affligé de mortelles douleurs,
Qui nous dérobe ainsi, sous un voile de pleurs,
Le tombeau de cristal, où dort une sirène ?
Est-ce le dieu chanteur de la pensée humaine,