Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/237

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BÉATRIX.
Et pourquoi de si loin respirer ses poisons ?
Quel philosophe amer t’a donné ces leçons !
L’avenir, Savella, qu’est-ce donc qu’il t’annonce ?

SAVELLA.
Oh ! que j’aime mon nom, quand ta voix le prononce !
BÉATRIX.
Toi, qui l’as, dans mon cœur, gravé par un baiser,
Viens y chercher l’écho qui semble t’apaiser.
Quand il s’agit de toi, je ne suis plus frivole,
Et ma beauté me plaît, quand elle te console.
Si tu ne m’aimais plus, je n’aimerais plus rien :
L’orgueil de mon amour m’élève jusqu’au tien.

SAVELLA.
Grâce, mon Dieu chéri, je ne suis pas coupable.
Je sens, à mes remords, que mon destin t’accable ;
Mais si tu pouvais lire en ce cœur dévasté,
Même en me condamnant, tu m’aurais acquitte.
Ma prévoyance en deuil, malgré moi, te chagrine :
Mais un fardeau si lourd pèse sur ma poitrine !
Quoiqu’obscur et voilé, mon avenir fiévreux
Me tourmente déjà de frissons douloureux.
Je souffre, Béatrix ! Le ciel, chargé d’orages,
Roule autour de ma vie un chaos de présages :
J’ai besoin de te voir, besoin de te quitter,
Et sans vouloir te fuir, je voudrais t’éviter.