Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/295

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Et, vidé par les ans, leur marbre dérisoire,
Aux troupeaux du bouvier va servir de mangeoire.
Pauvres rois, courez donc vous éreinter d’exploits !
Pour désoler le monde et l’égayer deux fois :
Car il rit de pitié, même en pleurant de rage.
Le nom de Cléopâtre est sur ce sarcophage :
Mais elle, cherchez-la ! peut-être ses débris,
Par un marchand de morts achetés à vil prix,
Ont repassé, honteux, dans le coin d’un navire,
Ces flots, où sa beauté pesa plus qu’un empire.
Et ce bâtard d’un dieu, ce bruyant conquérant,
Devant qui l’univers n’était pas assez grand :
Qui semblait regretter, dans son errante gloire.
De n’avoir plus de place, où jeter la victoire !
Demandez-vous un peu ce qu’il est devenu !
Ce voyageur terrible est à peine connu :
La terre, qu’il remplit, en a perdu la trace.
Croyant avoir tout fait, sa démence vorace
Pleurait d’avoir tari la source des lauriers !
Il manquait de vaincus, pour nourrir ses guerriers !
Et la moitié du globe, en paix comme les astres,
N’a pas même entendu parler de ses désastres.
L’Angleterre d’alors ne savait rien de lui :
Lui, ne savait rien d’elle : et cette île, aujourd’hui,
Possède, nous dit-on, son sépulcre anonyme !
Si l’on daignait creuser ces pensers, quel abîme !