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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/316

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N’allez pas cependant, négligeant la pensée,
M’envoyer la sardoine, ou l’alysse glacée :
Réservez-moi plutôt ces saphirs familiers,
Que le Rhin recommande aux roseaux de Villiers,
Et dont le nom vulgaire, empêchant qu’on n’oublie,
Donne à l’amour qui part un ordre qui supplie.
Mais qu’importe ou l’hysope, ou l’ardent sassafras !
Chaque plante à son tour dit : Ne m’oubliez pas.
Tout despote qu’il est, le lis altier lui-même,
D’un message tremblant peut devenir l’emblème.
La fleur philosophale enfin, je le prétend,
C’est celle qu’on dérobe, ou celle qu’on attend.
Vieux, elle sait encor nous plaire et nous séduire :
Notre âme, en la voyant, renaît pour la traduire,
Et, reprenant le cours d’un voyage effacé,
On jouit du présent en faveur du passé.
Heureux qui, dans leschamps, peut ainsi, comme un sage
Du livre de ses jours voir germer chaque page,
Et rattachant sa vie aux buissons du sentier,
Avec ses souvenirs composer son herbier !
Son cœur à la nature en sera plus fidèle :
N’est-ce pas le bonheur que de la trouver belle ?

C’est un bonheur, au moins, tou jours vrai, toujours pur
S’il n’est pas le plus vif, n’est il pas le plus sûr ?
Ces jeunes passions, dont notre ardeur s’enivre,
Souvent à mi-chemin, ne veulent plus nous suivre,