Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/349

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C’est un mort, et ce mort, ce spectre conjugal,
C’est ce qu’on va sacrer reine de Portugal.

D’un hymen reconquis navrante apothéose !
Malgré la nuit du temps, où tout se décompose,
Que ce tableau vivace est âcre de couleurs !
Sentez-vous, Maria, ce qu’il contient de pleurs ?
Et sentez-vous aussi, dans votre âme troublée,
Ce frisson de respect qui saisit l’assemblée,
Quand, proche d’être roi, ne se montrant qu’époux,
Le prince, aux pieds d’inez, fut tomber à genoux,
Et, comme il eût baisé la croix de la prière,
Daisant avee ferveur cette main de poussière,
Et ces débris (bien morts, puisqu’ils restaient glacés),
Il dit à Dieu : Pardonne ! au prêtre : Commencez !
Dieu ! qu’il l’a dû sonder le gouffre d’amertume,
Que nous creusedans l’âme un bonheurqu’on exhume !
Que d’arcs-en-ciel brillants, tout à coup ranimés,
Auront du, goutte à goutte, en poisons transformés,
De la main qu’il pressait, monter dans sa mémoire !
Ton ombre a-t-elle vu ce sacre expiatoire,
Inez : quand ton époux, sur ton front dévasté,
Vint poser sa couronne avec sa royauté,
Et, montrant à sa cour ta poudre souveraine,
Lui dit, presqu’en pleurant : Portugais, c’est la reine !
Assise près de Dieu, si tu l’as entendu,
Dans ton silence, Inez, que lui répondais-tu ?