Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/35

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n’est encore qu’immonde : de ce siècle éclairé, qui se sert de ses clartés pour dépraver la lumière, quand on s’est fait une religion du beau, et du beau dans sa plus large acception, c’est-à-dire de l’honnête et du bon : quand on a toujours cru que c’était une impiété de consacrer son intelligence à enluminer des turpitudes, et une impiété sociale de les récompenser ? on attend une injure : et l’on n’espère rien.

Je n’ai pas l’impudeur de me proposer pour modèle, mais je me plais à supposer que quelques âmes d’élite me remercieront en secret d’avoir toujours prêché le culte du bien et la haine du mal. Si je n’ai pas réussi à faire aimer la nature, la vertu, la liberté, on me rendra du moins tout bas cette justice : que je ne me suis jamais mêlé dans les tripotages de l’ambition : que je n’ai jamais, brocanteur de luxure, mis la chasteté de la muse sous le patronage du vice et de l’argent : que j’ai toujours su préférer une obscurité sans remords à de honteuses célébrités. Il y a des vêtements de pourpre et de soie qui salissent, des honneurs qui dégradent. Je n’accuse ici personne de porter les uns et de quêter les autres ; mais je n’en veux pas. La lyre est sainte, a dit l’antiquité : cette maxime l’est aussi. Elle doit être la devise de tout poète, qui a la conscience de ses devoirs et de sa mission. Je