Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/351

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Et ne supposez pas que ce deuil intraitable,
Qui fait, dans ses banquets, seoir la Mort à sa table,
Ne s’est jamais montré qu’une fois parmi nous !
II est plus d’un Don Pèdre, hélas ! autour de vous,
Plus d’un monarque veuf au seuil de sa carrière,
Qui célèbre, à son tour, son sacre de poussière.

Combien de fois le sein du poète inspiré
N’est qu’un autel qui souffre, un temple délabre,
Où veille, pâle et seul, le chagrin qui le ronge,
Et le regret d’un Dieu, qui ne fut qu’un mensonge !
Don Pèdre fut aimé ; lui, comment l’aime-t-on ?
Quand on l’a fait aveugle, on brise son bâton ;
Et quand son cœur n’est plus qu’un sépulcre qui sombre,
Le spectre qu’il renfermeest vivant : c’est une ombre,
Qui, pour mieux l’insulter, y fait rire sa voix.
Le poète outragé devient roi quelquefois :
Mais seul sur sa hauteur, dont ou veut qu’il descende,
Qui partage avec lui le dais qu’on lui marchande ?
Aucune âme terrestre avec lui n’est d’accord :
Au Capitole avare, il monte avec effort :
Et là, triste monarque élude l’anathème,
A qui rattache-t-il son pâle diadème ?
Il n’a pas seulement une tombe où prier,
Une tête de cendre où poser son laurier ;
Et ce rameau divin, que l’avenir recueille,
Sur son front chauve et froid dessèche feuille à feuille