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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/363

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Ne les reprenez pas, ces pinceaux, que j’envie :
Parlez, au lieu depeindre : et qu’un moment ravie,
Mon âme, comme un luth, exhale, au lieu de pleurs,
Des sons, dont l’harmonie imite vos couleurs !

Déjà, comme un vaisseau qui glisse dans la brume,
Ysendra s’est voilé d’une vapeur d’écume :
La forêt disparaît, et le fleuve, qui dort,
De ses baisers noircis mouille l’herbe du bord.
L’heure de Raphaël est passée : essayons
D’oublier tous les arts, la lyre et les crayons.
S’ils veulent se mêler à nos vagues délices,
Sans en fixer les traits, composons nos esquisses :
Craignons, en le chantant, d’effrayer le bonheur !
Lent à poser son vol mobile et suborneur,
Il fuit, au moindre mot, nos demeures mortelles :
Souvent un cri de joie a réveillé ses ailes.
Des spectacles pompeux, autour de nous épars,
Sans vouloir les comprendre enivrons nos regards !
Le savant qui s’exerce à savoir quelle cause
Imbibe de parfums l’hyacinte ou la rose,
En laisse, inattentif, l’éclat s’évanouir :
Il a, pour l’expliquer, oublié d’en jouir.
Ne nous expliquons rien : mais que tout, dans le monde,
Comme un rayon d’amour en nos cœurs se confonde !