Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/369

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Les nids de rossignols commencent à se taire :
Le cri qui leur répond s’éloigne des marais.
Des seigles déjà mûrs, des arbres plus discrets,
L’ombre, devant nos pas, se prolonge immobile :
Et du croissant tardif l’éclat pâle et débile,
Dans son lit de nuage est déjà retiré.
Quel repos, si le cœur était moins déchiré !
A peine dans les airs, où dort leur nonchalance,
Entend-on frissonner les ailes du silence,
Qui glisse sourdement dans les détours des bois :
La beauté de la nuit semble oppresser la voix.
Ah ! ce n’est pas la nuit, Maria, qui m’oppresse ;
C’est de ne pas pouvoir exprimer mon ivresse.
Dansles champs, quemes vers viennent de moissonner,
Je sens qu’il reste encor des gerbes à glaner,
Et je ne sais comment t’en cueillir la richesse.
Plus indigents que moi, qui les tords, qui les presse,
Comment tirer des mots un mot qu’on ne sait pas,
Pour te dire tout haut ce dont je meurs tout bas ?

Jaloux de tout, ma lyre, humblement souveraine,
Voudrait tout recréer, pour vous en rendre reine.
Tout en les protégeant, si vous les admirez,
Je suis jaloux des fleurs, quand vous les respirez.
Pour enivrer vos sens, au lieu de vous distraire,
Je voudrais m’emparer de tout ce qui peut plaire,
De l’argent fugitif qu’agitent les ruisseaux,
De l’éclat du soleil et du chant des oiseaux :