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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/382

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Et nous parle, invisible, une langue d’espoir ;
S’entretenir ainsi, c’est déjà se revoir.
Moi, j’ai senti souvent que ma mère, ou son Ombre,
Marchait à mes côtés, quand ma route était sombre,
Et, confidente encor de mon muet effroi,
Étendait son amour entre un malheur et moi.
Les morts, qu’on a pleurés, sont des dieux qui nous aiment :
Croyez-le, Maria, car les doutes blasphèuient.

Cette foi d]orphelin, veux-tu la partager ?
Ce qu’elle a de pénible émeut sans affliger :
Elle est, comme un adieu, qui cache une promesse,
Un soupir d’exilé, qu’un écho nous adresse.
Ange gardien des pleurs qu’on lui veut confier,
La nature, avec nous, prompte à s’associer,
Va, si nous l’invoquons, semer, dans le bocage,
De nos regrets mêlés la conjugale image.
Vois-tu, dans les brouillards, ces deux astres perçants,
Entr’ouvrir nos rameaux de leurs feux caressants ?
Entends tu des tombeaux frémir la fleur fidèle,
Et l’insecte léger qui la frôle de l’aile ?
Ce sont des yeux chéris, penchés sur notre amour,
Pour faire, dans sa nuit, briller un peu de jour :
Et je connais la voix, qu’exhale l’asphodèle,
Aussi bien que l’écho qui frissonne autour d’elle.
Ces yeux d’ange, ce sont les yeux qui nous aimaient,
Quand nos deux cœurs d’enfants, sans se rêver, dormaient :