Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/407

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Qui pourrait maintenant s’étonner, que mes vers
N’aient jamais du matin célébré les concerts ?
Sans doute auprès de vous, l’aurore, moins stérile,
Trouverait, sous mes doigts, la lyre aussi facile :
Mais souvent sa lumière effrairait mes accents.
Au lever du soleil, qui stimule nos sens,
Je sais que la pensée a plus de transparence :
Tout le feu du réveil passe dans l’espérance.
L’ambition s’allume à la splendeur du jour ;
Mais l’esprit n’a d’éclat, qu’aux dépens de l’amour.
L’aube, avec sa gaîté, sa bruyante opulence,
Effaroucbe le cœur, qu’enhardit le silence :
Tous les peuples de l’air, où bourdonnent leurs jeux,
Sont autant de témoins, qui gênent nos aveux :
Les oiseaux étourdis, même les plus fidèles,
Emportent, en chantant, nos baisers sur leurs ailes.

Le soir, rien ne distrait les serments plus pieux ;
D’un monde inquisiteur les écueils envieux
N’offensent plus les pas de la mélancolie :
Sur ses songes passés notre âme se replie :
Le génie, abdiquant l’orageux avenir,
De son vol recueilli parcourt le souvenir :
L’obscurité, propice à notre imprévoyance,
Des échos que l’on craint endort la surveillance