Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/411

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Son esprit, assiégé de fantômes sans nombre,
S’armecontre un mensonge, et creuse dans uneombre :
Et ses rêves bientôt, que rien ne ralentit,
Ne sont plus qu’un abîme, où l’amour s’engloutit.
Ne me montre donc plus cette ingrate prudence,
Qui d’un vernis rusé glace une confidence :
Garde-la pour le monde, abdique-la pour moi,
Qui ne t’interrogeais, que pour parler de toi.
Va, je connais ta vie aussi bien que toi-même :
Crois-tu qu’on puisse aimer, sanssavoircequ’onaime ?

Pareil à ces jongleurs, dont les yeux vigilants
Poursuivent l’avenir sur les cartons volants,
Dont ils ont combiné les couleurs prophétiques,
Ou qui le voient écrit dans ces veines mystiques,
Dont les rameaux croisés nous sillonnent les mains,
L’œil jaloux du poète, épelant les humains,
De leurs fronts qu’il consulte analyse les lignes,
Et du passé qu’il cherche y reconnaît les signes.
Les faits les plus obscurs, qu’on croit les plus secrets,
Impriment, malgré nous, leur cachet sur nos traits.
Sous le rire présent, dont la gaîté l’efface,
Des larmes d’autrefois on reconnaît la place :
L’orage, quoiqu’absent, sous le calme apparaît,
Et nous laisse, en fuyant, un repos indiscret.
Ainsi lorsque l’hiver, dans son réseau deglace,
D’un lac battu du vent vient saisir la surface,