Aller au contenu

Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/485

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je déteste aujourd’hui le retour du soleil,
Et des champs repeuplés le verdoyant réveil.
La terre caressante étincelle de charmes ;
L’univers se ranime : et je meurs dans les larmes !
Que me font aujourd’hui ces feuilles, ces ruisseaux,
Et ces mouches d’azur sur les boutons nouveaux,
Ces papillons, ces fleurs, la campagne si belle,
Qu’elle verra sans moi, que je verrai sans elle !
C’est elle, qui créait la richesse des cieux :
Et je la recueillais moi-même de ses yeux.
Elle tue aujourd’hui, cette affreuse opulence,
Qui ne m’offre plus rien, plus rien que son silence.
Quand elle m’y suivait, la terre était à moi :
J’ajoutais à ses dons, j’étais Dieu, j’étais roi !
Que suis-je maintenant ? un fantôme qui pleure,
Et qui dit au soleil : Tu ne marques qu’une heure.
Puis d’ailleurs où sont-ils, ces merveilleux trésors,
Qui venaient, sur mon luth, se traduire en accords ?
Des ailes du printemps la poussière émaillée
A beau dans les vallons fleurir éparpillée,
Mon ombre, en y passant, consume les gazons.
Mes chagrins sans ressource ont changé les saisons :
Et, comme un crêpe en deuil jeté sur sa parure,
lin reflet de ma vie a fané la nature.