Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/495

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Quand tes pas, d’un glacier, longeront les périls,
Sous la neige d’alors, tes yeux reliront-ils
De mes pas d’autrefois la trace encor vivante ?
Des déserts du Grimsel l’anguleuse épouvante,
Ces rebuts du chaos, en désordre alignés,
Qui, par le Créateur six mille ans dédaignés,
Menacent d’usurper le ciel qui les foudroie :
Ces gorges de la Reuss, où du Ilot, qui s’y broie,
La liquide agonie éclate et se débat :
Et les bassins d’Hassly, les coteaux d’Andermat,
Si le destin plus doux quelque jour t’y ramène,
Y verras-tu mon ombre à côté de la tienne ?
Oh ! tu peux, Maria, tu peux, si tu le veux,
Dans la France, où je souffre, oublier mes aveux-,
Mais qu’ils te soient présents sous les pins du Salève,
Dans l’Éden escarpé, qu’habite encor mon rêve.
Qu’une larme de toi m’y cherche, et j’entendrai :
Quelque chose de nous vit tant qu’on est pleuré.

Point de larmes pourtant, que le remords allume :
Car, pour épurer l’âme, il faut qu’il la consume.
Ne mêle rien d’amer à mon nom répété :
Comme un nuage errant au front pur de l’été,
Dont le vent, qui l’amène, emporte aussi la trace,
Sanspeser sur Ion cœur, qu’il l’effleure, et qu’il passe !
Jouis long-temps sans moi des biens que je chantai :
Ne me repousse pas de ta félicité.