Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/566

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Combien j’en ai touché de ces îles vermeilles,
Dont un brouillard fantasque ordonnait les merveilles !
J’étais désabusé, mais je recommençais,
Et de mes châteaux d’air, assiégés sans succès,
Ne voulant point encore abandonner la place,
A chaque illusion dont je perdais la trace,
J’effaçais seulement un coin de mon tableau :
Il fallait bien finir par n’y voir qu’un tombeau !

Comme une étoile alors perçant des bois funèbres,
Un ange, qui passait, entrouvrit mes ténèbres :
Je l’aimai. Le bonheur, que j’ignorais encor,
Me parut sous ses pas jeter ses rayons d’or :
Je les suivis. Frappé d’ivresse et de délire,
Dépendant d’un coup d’œil, aux ordres d’un sourire,
Je concentrai ma vie autour de sa beauté,
Et dans un jour d’amour je vis l’éternité.
Avec plus de ferveur, jamais homme peut-être
Ne se lit, d’une femme, ou l’esclave ou le prêtre.
Moi qui la regardais comme un dieu passager,
Venant voir ici-bas s’il peut nous protéger,
Je n’eus, au lieu d’amour, que de l’encens pour elle…
Ce n’était cependant qu’une frêle mortelle :
Jalouse du bonheur qu’elle m’avait donné,
Elle m’a, comme une autre, hélas ! abandonné :
Et, pour dernier adieu, l’idole incendiaire
A dévasté son temple, au bruit de ma prière.