Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/579

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IV.
Date mi pace, o duri miei pensieri
Petrarca.

Non, je ne la hais pas : je ne puis la haïr !
Je sais qu’elle s’est fait un jeu de me trahir,
Et qu’en traçant mon nom sur son livre d’hommage,
Elle gravait ma tombe au revers de la page :
Ses jours sont à jamais retranchés de mes jours ;
Je ne veux plus la voir… mais je l’aime toujours.
Je l’aime ! et je néglige, à moi-même infidèle,
Je néglige mon sort, pour ne rêver que d’elle.
Ce qu’elle pense, espère, ou devient loin de moi,
M’occupe presque autant que son manque de foi ;
Je suis jaloux d’un cœur, que le mien répudie.
Sans vouloir y rentrer ma fièvre l’étudie,
J’en sonde les détours. Dieu descendrait du ciel
M’expliquer les secrets de l’ordre universel,
Je n’écouterais pas ; je songerais encore
Aux liens qu’elle impose, aux regards qu’elle implore,
Aux aigrettes de fleurs tremblant dans ses cheveux,
A son art séducteur d’en disposer les nœuds.
Son éclat me poursuit comme un surcroît d’injure :
Je ne vis plus en moi, je vis dans la parure,