Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/58

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Et du monde, un instant, abrégeant l’esclavage,
Annibal dans Capoue, y préparer Carthage.
Capoue, où le plaisir faisait tout oublier,
Carthage, dur berceau du commerce guerrier,
Chacun séparément ont subi leurs ravages,
Et leurs débris, couchés chacun sur leurs rivages,
Se mêlant sous nos yeux qui confondent leurs plans,
Se touchent à travers la mer et trois mille ans.
Borne du monde instruit et du monde barbare,
La mer, vaste lien de ceux qu’elle sépare,
Passe entre eux, comme nous, comme nos jours ttottants,
Entre les deux moitiés de la sphère du temps,
Le passé, l’avenir, double et vaste contrée
Vers qui l’âme gravite, et qui n’a qu’une entrée,
La mort, cette autre mer qui met tout de niveau.
De ces pensers perdus démêlez l’écheveau,
S’il se peut : car pour moi ! le flux me les amène,
Et, plus rapide encor, le reflux les entraîne.

XXIII.
Mer, redoutable mer, depuis que je te voi,
La terre a disparu, je ne vois plus que toi.
Fluide firmament, qu’osent tenter nos voiles,
Qui comptes dans tes plis des écueils pour étoiles :
Ciel esclave du vent, qui caches dans tes eaux
Un cœur tumultueux, qui bat sous nos vaisseaux,