Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/619

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Qu’en leur dressant d’avance un posthume bûcher.
A cet arrêt sans doute il fallait s’attacher ;
Mais vous avez voulu, combattant ma prudence,
Ne plus accepter seul ma sombre confidence :
Et je vais, admettant le public à mes pleurs,
Lui donner à juger mes dix ans de douleurs.
Puisse au moins de ces vers le fraternel hommage,
Empruntant votre nom comme un’premicr suffrage,
Consoler à l’écart ceux qui, las de souffrir,
Ne savent pas se plaindre, et se laissent mourir !

Il faut pourtant ici, le pied sur mon naufrage,
A tant de cris d’amour ajouter une page :
Ce. funeste recueil n’est point encor complet.
Si, l’ayant parcouru jusqu’au dernier feuillet,
On m’y voyait rester au seuil d’une bataille,
Ceux qu’un même dégoût de la terre travaille,
Croiraient que, succombant au fardeau de son deuil,
On traîne le boulet jusqu’au fond du cercueil :
Que notre front courbé jamais ne se redresse :
Qu’on a beau, fatiguant son ignoble détresse,
Secouer sa misère au milieu des combats,
La coucher dans la boue en blouse de soldats,
Il n’en faudra pas moins, esclave d’une femme,
Lui rapporter des camps les haillons de son âme.
Erreur ! ces tourments là ne brûlent pas toujours :
L’eschare du chagrin tombe enfin de nos jours :