Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/620

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On reprend son niveau, son viril équilibre,
Et, si l’on part esclave, on peut revenir libre.

Qu’on ne suppose pas que, devenu d’airain,
Je veuille, avec l’amour, insulter son chagrin !
Loin de moi ce vernis de stoïque héroïsme !
Seule religion, digne de fanatisme,
Qui pourrait blasphémer, dans ses cris furieux,
Le seul bonheur mortel, qui nous reste des cieux !
Quand on a pu trouver, dans les landes du monde,
Un cœur pur et sacré, dont l’écho nous réponde,
Un être dont le cœur, sur le nôtre formé,
N’aspire, en nous aimant, qu’à l’espoir d’être aimé :
Rien, si le ciel jaloux nous condamne au veuvage,
Rien n’en doit engourdir l’incurable ravage ;
Je conçois qu’on en meure, et qu’au port du tombeau,
On n’arrive qu’usé par le poids du fardeau ;
Mais quand, jetant sa vie aux pieds d’une maîtresse,
Vous voyez à loisir sa tortueuse adresse,
Pour allonger le meurtre, inventer des tourments,
Solder avec vos pleurs ses achats de serments,
Et, minute à minute acérant son parjure,
Enjoliver ses jours de votre mort future :
On n’en peut pas long-temps souffrir sans lâcheté.
Si parfois à l’excès poussant la charité,
Du sang, dont elle a soif, on lui jette l’aumône,
On a honte, eri donnant, d’avouer ce qu’on donne.