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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/621

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Nos maux nous font pitié de notre propre mort :
Ce’sont de vils chagrins : et, lorsque l’on en sort,
On doit à ses amis le dernier témoignage
De brûler en public son manteau d’esclavage.

Le silence, dit-on, venge mieux que les cris !
Il renvoie un coupable, et ses actes flétris,
A lui-même, devant ce tribunal intime,
Où, sans jamais l’absoudre, on se juge son crime,
Devant la conscience. Et quand on n’en a pas !
Comme ce juge éteint, faut-il parler tout bas ?
Singulier châtiment, que celui de se taire !
Pourquoi, d’un culte abject ridicule sectaire,
Bonze hébété d’un dieu qu’on prie avec du sang,
Quand chacun nous a vu, reptile obéissant,
Pour nous faire écraser, ramper sous son image,
Se laisser croire encor sali du même hommage ?
Quoi ! nous aurons semé nos chants sur son autel,
Et lorsque notre encens, le traitant d’immortel,
Survit, pour lui du moins, à nos vieux sacrifices,
Nous n’aurons pas un vers, pour démasquer ses vices
Il ne sortira pas un vers de nos débris,
Qui rive sur son cou le carcan du mépris :
Et nous n’oserons pas, d’un mot expiatoire,
En sortant de la croix, y clouer sa mémoire !
Ces générosités vont mal à mes lambeaux :
Je ne suis pas de ceux, qui baisent leurs bourreaux
Fière de tant de pleurs, versés à sa louange,