Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/68

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La prière : et toujours j’en demeure à la veille.
Personne, plus que moi qui n’y vois que merveille,
N’est sur cet univers prompt à se récrier ;
Mais j’adore l’ouvrage, au lieu de l’ouvrier.
Autrement je suis bon, j’aime autant que l’on m’aime,
Et j’ai plus d’un rapport avec Jésus-Christ même.
J’en citerais vingt cas, plus ou moins triomphants ;
Un seul fait mon salut : j’adore les enfants.

Laissez-les, bourdonnant autour de ma retraite,
Effaroucher mes vers et ma prose distraite :
Je ne m’en plaindrai pas ni le public non plus.
Laissez-les donc venir à moi, mes chers élus !
J’aime, sur mes genoux, à bercer leur faiblesse,
A voir leurs fronts plier au vent d’une caresse.
Ils sont si gracieux, ces petits souverains,’
Si naïfs dans leur joie, et dans leurs grands chagrins !
Souvent quand je les vois, d’un air grave et capable,
S’amuser, plus d’une heure, à planter dans le sable
Des jardins, qu’une mouche abattrait d’un seul coup :
Ou, rusés conquérants, marcher à pas de loup,
Pour mettre un grain de sel sur le bout de la queue
D’un moineau, qui les nargue et s’en rit d’une lieue :
Je me demande, à moi, ce qu’ils peuvent penser :
S’ilssontcomme l’oiseau, qu’ils voudraient embrasser,
Vifs comme le friquet, gais comme l’hirondelle,
Insouciants, craintifs, et vagabonds comme elle.