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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/75

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LES DEUX POUVOIRS.


Las d’un trône connu, l’aigle, envieux des mers,
Veut changer de tempête ainsi que d’univers ;
Et le monarque ailé, qu’indignait le rivage,
Va se suspendre au ciel, comme un vivant nuage.
Il plane ! mais le jour se fatigue avant lui :
Comme un de ses rivaux, le soleil même a lui ;
Et, vide pour sa faim, l’espace solitaire,
Des hauteurs de son cours, le rappelle à la terre.
Il la cherche, elle manque : il demande le sol,
Et ne sent que la mer s’allonger sous son vol.
Le pirate affamé, que l’Océan renvoie,
Retourne sous les cieux pour y trouver sa proie,
Et, d’un œil carnassier promenant les éclairs,
Interroge à la fois les éléments déserts.
Flairant peut-être aussi sa lointaine victime,
Un squale gigantesque, à l’ancre sur l’abîme,
Des rebuts d’un naufrage attendait son repas.
En face du péril qu’il ne soupçonne.pas,
L’aigle un instant s’arrête, et, prompt à se résoudre.
Sur l’écueil assoupi s’abat comme la foudre.
Surpris par la douleur, le monstre bondissant
Fait jaillir en sursaut la mer avec son sang,