Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/89

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Ou comme un canot d’ambre emportant le croissant :
La manœuvre qui grince, et la voile assaillie,
Qui déferle, en grondant, de la vergue qui plie :
Et, tout soumis qu’il est à notre mors savant,
L’abîme qui hennit sous l’éperon du vent.
De la création miroir intarissable,
La mer nous offre autant d’images que de sable :
Orgue immense et fluide, elle a, pour nos douleurs,
Autant d’échos divers que l’on verse de pleurs.

J’ai beau, pour ainsi dire, habiter les voyages,
Et n’avoir de foyer que des grèves sauvages,
J’aime toujours la mer : la mer me plaît toujours.
Le ciel soit pur ou sombre, il n’est guère de jours,
Où je n’aille écouter, le soir, près de la poupe,
Les ondes bouillonner sous le soc qui les coupe :
Épeler, attentif, ces hymnes du roulis,
En syllabes d’écume imprimés dans leurs plis :
Aux soupirs frissonnants de la brise argentine,
Respirer les parfums de la Flore marine :
Et du vaisseau qui file admirant le travail,
Une main sur mon front, et l’autre au gouvernail,
L’œil perdu dans la nuit, la poitrine oppressée,
Faire, silencieux, le quart de la pensée.

Si petit devant toi, l’homme se sent grandir,
Quand sur tes flancs, ô mer, orgueilleux de bondir,