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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/90

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Son âme, au fond de toi, laisse tomber sa sonde.
C’est que de l’infini, qu’elle croit son vrai monde,
Jamais elle n’approche autant que sur les flots.
D’innombrables trésors mystérieux dépôts,
L’œil arrive plus loin à travers leurs barrières,
Qu’en plongeant dans le ciel du front des Cordilières.
Là quelque bruit terrestre y dérange de Dieu :
L’aigle, trop près de nous, y vient boire le feu.
Ici rien n’en distrait, même la turbulence :
Et ces êtres sans voix, qui peuplent le silence,
Qui semblent, effleurant les astres écumeux,
Circuler dans l’espace, avec eux, et comme eux,
Viennent nous apporter, sous des formes sensibles,
Ces secrets de la mort, à l’homme inaccessibles,
Ces secrets de l’empire où nous nous reposons,
Quand, brisant de nos corps les poudreuses prisons,
Nos âmes, loin d’ici, vont, par Dieu transportées,
Coloniser du ciel les savanes lactées,
Et, d’étoile en étoile interrogeant les airs,
Exécuter tout bas leurs lumineux concerts.

Sitôt que l’on s’embarque, on croit à l’autre vie.
L’homme, en mettant le pied sur la mer asservie,
A fait un pas vivant dans le monde éternel.
Du Dieu, qui la créa, tumultueux autel,
La mer imprime à tout son cachet grandiose ;
La navigation est une apothéose.