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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/91

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La Grèce peut le dire, elle, dont les pinceaux
En Panthéon nocturne avaient changé les eaux,
Et qui voyait dans l’onde, au chant de ses sirènes,
Des coursiers d’Apollon se détendre les rênes !
La mer, en l’épurant, élargit notre esprit,
Et comme un fruit malsain l’athéisme y périt.
La superstition, qui rampe sur la terre,
Emprunte à l’Océan son vaste caractère :
Elle en a la terreur, presque l’immensité.
L’homme sur son navire est hors l’humanité,
Et ses rêves d’humain sont grands comme l’abîme ;
Enfants de la tempête, ils en ont le sublime.

Qu’est-ce que les terreurs, qui, la nuit, quelquefois,
Hantent les vieux manoirs, oubliés dans les bois ?
C’est un cri de vampire aux détours des clairières,
Les pieds osseux d’un spectre écrasant les bruyères,
Ou de son drap qui marche un squelette affublé !
Le monde du tombeau vous paraît dépeuplé,
Quand il s’ouvre : jamais, de sa nuit sombre,
Il ne laisse à la fois échapper plus d’une ombre.
Pour nous, quand l’aquilon, qui souffle du néant,
Dans sa couche sauvage éveille l’Océan,
Il ouvre en même temps toutes ses catacombes :
Armant de leurs débris le vol fumant des trombes,
De sa gueule de sable il vomit tous ses morts.
Tous les siècles noyés, redemandant leurs corps,