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bitants des campagnes, dont le plus grand nombre se trouve dans ce dernier cas.

Quoi de plus commode en effet, et grâce à l’inviolable secret du vote, que de faire déposer par un brave campagnard illettré son bulletin au nom de Pierre, alors qu’il pensait voter pour Jacques ? Et comment prouver que cet homme a été indignement trompé ? — Il est juste d’ajouter que la moralité de nos gouvernants et de leurs agents est sans aucun doute au-dessus de tout soupçon de ce genre. — Mais il faut avouer pourtant que si notre ami eût pu écrire ou du moins lire le nom de son candidat, cela eût donné vraiment plus de poids à son vote, n’est-il pas vrai ?

Si maintenant, de ces objections relatives à la sincérité au moins très-contestable des scrutins obtenus dans de semblables conditions, nous passons aux actes de pression de toute nature qui en infirment absolument la valeur, c’est bien autre chose encore.

La première et la principale de ces pressions provient des inégalités de conditions économiques, dans lesquelles sont respectivement placés les travailleurs, n’ayant que leurs bras pour tout capital, et les capitalistes, possédant l’outillage nécessaire à la production de la richesse sociale.

Écartant de ce sujet toutes vaines et puériles déclamations peu ou prou sentimentales, nous nous contenterons de faire observer que, malgré qu’on en ait, les intérêts des premiers, — les travailleurs — et ceux des seconds — les capitalistes — ne peuvent être identiques, et que de leur opposition même, il ressort forcément un véritable antagonisme fatal au fonctionnement sincère et moral du suffrage universel.

On aura beau s’écrier qu’il n’y a plus de classes et que tous les citoyens sont égaux devant la loi, en quoi cette affirmation, très-contestable, peut-elle contredire cette brutale vérité économique, que celui qui possède les instruments de travail tient absolument dans ses