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mains la vie de celui qui, pour subsister, est obligé de les lui louer ?

Demandez à l’ouvrier des villes, à l’employé, dont les patrons peuvent supprimer le travail ou l’emploi ; demandez au manouvrier des campagnes qui peut être chassé par son maître ; à ce maître lui-même, qui, s’il n’est que fermier, peut se voir molester de toutes manières par son propriétaire ; demandez à tous ces électeurs s’ils se sentent réellement indépendants dans l’exercice de leur prétendue souveraineté.

Combien en est-il de ceux-là qui ayant par exemple voté pour un candidat autre que celui recommandé par le patron, eussent ainsi osé agir ouvertement devant l’homme qui peut les priver de leur travail ? Mais, dira-t-on, le secret du vote les protège dans l’exercice de leur droit électoral. Sans doute. Mais qui les protégera contre l’irritation du patron, froissé à tort ou à raison de l’insuccès du candidat de son choix[1] ?

Et en vérité, qu’est-ce donc qu’une souveraineté dont l’hypocrisie et la lâcheté sont les supports indispensables ? Et ne voit-on pas qu’un mandat ainsi délégué est contraire à toute morale ainsi qu’au simple bon sens ? N’est-ce pas la source de tous les parjures et de tous les dénis de justice, puisque par cela même le mandataire se trouve dégagé de toute responsabilité envers ses mandants anonymes, impuissants à établir leur droit de revendication contre sa forfaiture ?

Que devient alors la majesté du suffrage-principe et de celui qui l’exerce ?

Aux honnêtes gens de répondre.

Puis, viennent les pressions administratives, avec leur cortège obligé de circulaires ministérielles aux préfets, aux magistrats de tous ordres voire même aux

  1. Qui ne se rappelle certaine élection de conseiller général dans le Cher, sous l’empire, où M. Brisson — alors considéré comme trop rouge — était candidat, et à propos de laquelle un industriel bien connu dans le département, M. de Vogué, annonçait à ses nombreux ouvriers que si M. Brisson était élu, il fermerait ses ateliers !