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Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/219

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deux discours avec un égal plaisir, et leur prédisait un égal succès.

Mais voici le fait curieux : M. de Broglie n’oublia qu’une chose, c’est que son éloge excessif du 18 Brumaire n’avait pour objet que de justifier son attaque contre le 2 Décembre ; il retira l’attaque sans penser à retirer l’éloge, de façon qu’à la séance publique, ce fut un tollé universel dans la presse républicaine contre cette apologie de Bonaparte. On fit à l’orateur les plus vifs reproches, et, quelques jours plus tard, quand il porta aux Tuileries, selon l’usage, l’exemplaire de son discours, relié en un beau papier d’or, l’Empereur lui dit, avec un demi-sourire :

« Monsieur le duc, j’ai déjà lu votre discours, et avec le plus vif plaisir. Je vous remercie de tout ce que vous avez dit du 18 Brumaire, et j’espère que votre petit-fils en dira autant du 2 Décembre. »

L’Empereur se trompait. Le 18 Brumaire n’a pas réhabilité le 2 Décembre. C’est le 2 Décembre qui a incriminé le 18 Brumaire. Par une sorte de réversibilité rétroactive, le sang versé par le second coup d’État a rejailli sur le premier qui n’en a pas versé. Les générations nouvelles les ont enveloppés tous deux dans le