Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/53

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hache, tout lien entre le monde et lui : il entre dans les régions supérieures, il y trouve le calme qu’inspire un grand sacrifice à une grande âme, et son langage s’y empreint d’une sorte de dignité sacerdotale.


 
Possesseur d’un trésor dont je n’étais pas digne,
Souffrez avant ma mort que je vous le résigne.
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Vous êtes digne d’elle, elle est digne de vous,
Ne la refusez pas de la main d’un époux :
S’il vous a désunis, sa mort vous va rejoindre.
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Vivez heureux ensemble, et mourez comme moi :
C’est le bien qu’à tous deux Polyeucte désire !
Qu’on me mène à la mort, je n’ai plus rien à dire.
Allons, gardes, c’est fait.


Ces paroles, si nobles dans leur simplicité, m’ont toujours ému jusqu’au fond de l’âme, et cependant, l’avouerai-je ? mon émotion n’allait pas sans un certain malaise. Polyeucte me semblait trop maître de lui, trop détaché de Pauline. Je lui reprochais malgré moi de n’avoir rien gardé de son émotion du début de l’acte, d’avoir trop oublié ses larmes de tout à l’heure, lorsqu’un jour, entrant au Théâtre-Français pendant une représentation de Polyeucte, un mot de Mounet-Sully… un accent… un silence, m’ouvrirent tout à coup