Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/119

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Voilà certes un bien beau mouvement ! Eh bien, de qui est-il parti ? De M Villemain. Sans doute, il n’a eu ni la puissance d’analyse et la profondeur de recherches de Sainte-Beuve, ni la force de doctrine de M. Nisard, ni l’ingénieuse érudition de M. Patin, ni la variété d’aperçus de Saint-Marc Girardin, ni la poésie de Vitet, ni la grâce d’imagination d’Ampère, mais c’est lui qui, en introduisant dans la critique, l’histoire, la biographie et la comparaison des littératures entre elles, a ouvert à tous ses successeurs la route où chacun d’eux a marché plus avant et plus sûrement que lui. En outre, il a, le premier, formulé et appliqué cette maxime nouvelle : La littérature est l’expression de la société. C’est lui enfin qui a mis au service de ses innovations, deux armes également puissantes, la plume et la parole. Il a été un écrivain charmant et un merveilleux professeur de Sorbonne. Suivons-le à la Sorbonne


III

Ce fut pour la Sorbonne une date mémorable, presque une ère, que le célèbre triumvirat Guizot, Cousin, Villemain. Lequel des trois l’emportait sur les deux autres ? Aucun. Ils se valaient parce qu’ils ne se ressemblaient pas. M. Guizot était certainement le plus enseignant des trois ; sa forte érudition historique, qu’accentuait son rare talent de généralisation, son ton un peu dogmatique lui-même, donnaient à ses leçons une solidité, un