Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

persiflant M. Flourens et tout consolé par l’impolitesse du malappris par la bourde du maladroit.

Quelques jours plus tard, les journaux nous apprirent le mot de l’énigme. A cette même heure où l’empereur nous avait fait attendre, il était en conférence avec M. de Cavour, et c’est dans cet entretien qu’il décida la guerre d’Italie. Franchement il avait le droit d’être inexact et distrait.


VI

Ce qui me reste à dire de M. Villemain est aussi douloureux que touchant.

M. Villemain était ce que les Anglais appellent a domestic man. Il avait le culte des sentiments de famille. Jeune homme et homme, il avait adoré sa mère, vieille femme, spirituelle, passionnée, fière de lui, jalouse de lui, mais si follement, qu’elle lui fit manquer un mariage très avantageux, parce qu’elle trouvait son fils trop amoureux de sa fiancée ! Eh bien, M. Villemain, malgré son poignant regret, garda pour cette mère cruelle un respect, une tendresse et une déférence bien rares chez un homme placé aussi haut dans les fonctions publiques. Marié depuis à une aimable jeune femme et père de trois jeunes filles, il se reposait enfin de tant de secousses au milieu des sentiments paisibles et tendres qui convenaient également à son caractère faible