Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/209

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neuvième siècle, n’en reste pas moins, en maint endroit, un versificateur du dix-huitième. Un de ses chefs-d’œuvre, la Jeune Captive, en offre la démonstration évidente. L’idée en est neuve, mais l’exécution en est vieille. Le sujet en est charmant, les traits de vérité et de sentiment exquis, comme :

 
Je ne veux pas mourir encore !
Mon beau voyage encore est si loin de sa fin !


ces traits y abondent, et sont autant de cris de nature qui dépassent de beaucoup la poétique de son époque. Mais en même temps, quel abus de périphrases ! Quel amas de ces élégances métaphoriques et mythologiques qui semblent le cachet du style de l’Empire !

 
L’épi naissant mûrit, de la faux respecté.
Sans crainte du pressoir, le pampre, tout l’été,
Boit les doux présents de l’aurore ;
Et moi comme lui jeune, et belle comme lui…


Que dire de cette jeune fille qui se compare à un pampre, à un épi, et qui compare l’échafaud au pressoir ! Où trouver plus d’horreur du mot propre que dans ces trois vers ?

 
Échappée au réseau de l’oiseleur cruel,
Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du ciel,
Philomèle chante et s’élance !


Philomèle ne s’est jamais élancée aux campagnes du ciel. C’est l’alouette. Mais l’alouette n’a pas paru à André